L'économie capitaliste : la catastrophe annoncée

Publié le par lereveilmondial.over-blog.com

La faillite de la banque Lehman Brothers, un des piliers de Wall Street, et le sauvetage in extremis de la société d'assurances AIG montrent que la crise de l'économie capitaliste, commencée par la crise des crédits hypothécaires américains, amplifiée en crise financière, est entrée dans une phase grave.

À travers son système financier, c'est toute l'économie capitaliste qui vacille. Les têtes pensantes du capitalisme ont beau multiplier les réunions internationales, elles n'ont manifestement aucune prise sur les événements. Leur économie, cette économie dont elles monopolisent le commandement et dont elles sont les seules à tirer profit, leur échappe complètement. Elles en sont aux incantations, se répartissant entre celles qui, comme notre inénarrable ministre de l'Économie, donnent dans le style « Tout va très bien, madame la marquise » et celles qui, comme Greenspan, l'ancien président de la Réserve fédérale, c'est-à-dire la banque centrale américaine, affirment que « il s'agit d'un événement qui se produit une fois tous les cinquante ans, probablement une fois par siècle ». L'ombre du krach boursier de 1929, début de la plus longue dépression économique que le système capitaliste ait connue, plane même sur les commentaires qui se veulent des plus optimistes.

Un système économique que personne ne maîtrise


La « danse de Saint-Guy » qu'exécute le gouvernement des États-Unis est significative de l'affolement et des hésitations des dirigeants du monde capitaliste. Au mois de mars dernier, la FED, la banque centrale américaine, avait fourni trente milliards de dollars pour venir au secours d'une des premières banques américaines, Bear Stearns, poussée par la crise vers la faillite.

Il y a à peine une semaine, elle avait annoncé la nationalisation hypocrite de Freddie Mac et Fanny Mae, deux mastodontes spécialisés dans le crédit immobilier aux États-Unis en mettant sur la table la somme colossale de deux cents milliards de dollars.

Et puis, virage à 180 degrés, elle a refusé de venir au secours de Lehman Brothers. Nouveau virage le lendemain : elle a, de nouveau, ouvert son coffre-fort pour sauver AIG, une des plus grandes sociétés d'assurances du monde, qui est au bord du gouffre. Et qui y est pour les mêmes raisons que les grandes banques. Avec la déréglementation, les sociétés d'assurances, comme les entreprises de toute nature qui en ont les moyens, ont toute liberté de s'adonner aux opérations financières. Et toutes ont spéculé sur les fameux crédits titrisés « subprimes » qui, pendant des années, ont rapporté gros, avant de s'effondrer l'été dernier. Toutes ont, dans leurs réserves, de ces titres pourris qui ne valent plus aujourd'hui que le prix du papier sur lequel ils sont imprimés. Du coup, leurs bilans s'effondrent les uns après les autres. Ce qui, à son tour, affole tous ceux avec qui elles étaient en affaire. L'argent les fuit. La méfiance des banques les unes vis-à-vis des autres assèche les circuits de l'argent. La panique pousse les détenteurs des actions d'une banque ou d'une entreprise atteinte à se débarrasser au plus vite de leurs actions. Le prix de ces dernières chute. Celle de Lehman Brothers est passée de 60 dollars il y a un an à 0,2 dollar ! Une division par trois cents !

Depuis plusieurs mois que la crise de confiance entre banques s'est installée, présidents de banque centrale et ministres de l'Économie ont beau échafauder des plans dans le cadre du G7 ou de l'Union européenne, ils ont beau multiplier les déclarations lénifiantes et, surtout, déverser des dizaines de milliards d'euros ou de dollars pour sauver la mise aux spéculateurs et renflouer les circuits interbancaires de l'argent, ils n'ont pas réussi à rétablir la confiance.

Mais comment empêcher que la panique ne s'aggrave ?


Comment empêcher qu'elle devienne générale ? La banque centrale américaine semble hésiter, en zigzagant d'un jour à l'autre, entre deux stratégies, aussi aléatoires l'une que l'autre mais tout à fait contradictoires.

Le choix de laisser une banque comme Lehman Brothers s'écrouler implique que la banque faillie ne pourra pas rembourser ses dettes contractées auprès d'autres banques, au risque de pousser celles-ci, à leur tour, vers la faillite.

Mais consacrer plusieurs milliards de dollars pour sauver une seule banque n'est-ce pas un encouragement pour toutes les spéculations, y compris les plus folles ? Pourquoi ne pas spéculer si, dans ce jeu de casino géant, quand on gagne, on encaisse et quand on perd, c'est l'État qui rembourse vos dettes ?

Il y a une autre raison qui freine la banque centrale américaine dans son envie de voler au secours de toute banque menacée. Pour puissants que soient les moyens financiers de la banque centrale, ils sont limités. Rien que les deux cents milliards de dollars déboursés pour nationaliser Freddie Mac et Fanny Mae, c'est-à-dire pour dédommager les spéculateurs, représentent un quart de ses réserves.

Autant dire que dépenser plusieurs dizaines de milliards de plus pour sauver une seule banque alors que, par ailleurs, la banque fédérale puise en continu dans ses réserves pour dépanner toutes les banques en manque de liquidités, assècherait à brève échéance lesdites réserves.

L'État américain aurait toujours la ressource de faire marcher la planche à billets ou ce qui en tient lieu dans la finance moderne informatisée. Mais ce serait faire la démonstration aux yeux de tous ceux qui ont placé leurs réserves dans des bons du trésor américains, non seulement toutes les grandes banques du monde mais aussi les États, que le dollar ne vaut plus rien, que l'argent qu'ils gardent dans leurs réserves n'est que de la fausse monnaie. Ce serait tenter de guérir l'absence de confiance des banques américaines les unes vis-à-vis des autres en suscitant la méfiance vis-à-vis du dollar lui-même et vis-à-vis de l'ensemble de l'économie américaine.

Les États des grandes puissances impérialistes se révèlent parfaitement incapables de rétablir la confiance entre grandes banques, même en déversant des milliards dans l'économie, c'est-à-dire en faisant payer toute la population pour sauver la mise aux financiers.

Et qu'est-ce qui se passera si la panique se répand dans toute la bourgeoisie, petite et grande, si tous ceux qui ont de l'argent déposé dans les banques, affolés, cherchent à récupérer leurs dépôts ?

Les plus optimistes des dirigeants économiques ou politiques du monde capitaliste, en évoquant la comparaison avec 1929, ajoutent que le monde financier a aujourd'hui une expérience et des instruments pour juguler la crise. Pour le moment, le seul fait incontestable est que la crise, ils ne l'ont pas empêché d'éclater !

Près de quatre-vingts ans après le krach de 1929, elle est de nouveau là, malgré tous ceux qui prétendent que le capitalisme a changé.

Mais il n'a pas changé. En tout cas, pas dans son fondement. Le moteur de cette économie reste toujours la rivalité pour réaliser le maximum de profit privé sur un marché aveugle. Ce fondement n'a pas changé depuis que Marx en a analysé les ressorts et a dénoncé non seulement les injustices de ce système économique et les inégalités qu'il creuse en permanence, mais aussi son irrationalité et son caractère anarchique.

Le boomerang de la finance

Depuis plus de trente ans, le système capitaliste semblait avoir trouvé le remède à ce qu'on appelle par antiphrase une « crise de surproduction ». Par antiphrase car le problème n'est pas qu'on produit trop, mais que le marché solvable ne se développe pas au rythme de l'accroissement des capacités de production.

Ce remède était la finance. C'est elle qui semblait rapporter ce que la production ne pouvait pas faire. Mais tous les profits, y compris ceux de la finance, viennent de la production. Les profits élevés des dix ou quinze dernières années venaient en réalité de l'exploitation accrue de la classe ouvrière, de la diminution continue de sa part dans le revenu du travail par rapport au revenu du capital.

En réduisant le pouvoir d'achat de la classe ouvrière, par le biais du chômage, par le biais du blocage des salaires, la classe capitaliste s'est, certes, assuré pendant plusieurs années des profits élevés, mais en pesant en même temps sur la consommation, c'est-à-dire sur le marché.

Le développement de la finance a masqué cette réalité et repoussé les échéances. Mais la crise financière actuelle n'est que le retour de boomerang de la crise de l'économie capitaliste dans son ensemble.

Et, de conséquence, la crise financière devient à son tour une cause. Rien qu'au cours de l'année écoulée, en aggravant la spéculation, en accentuant son caractère erratique, elle a entraîné des mouvements tout aussi erratiques des prix des matières premières, dont le pétrole. Elle provoque des soubresauts dans les taux de change entre devises, avec les perturbations que cela entraîne dans le commerce international. Elle entraîne le renchérissement du crédit, l'aggravation des conditions dans lesquelles on peut l'obtenir. Tout cela pèse déjà sur l'économie productive. Ce ne sont plus seulement des banques, des maisons d'assurances ou des agences immobilières qui font faillite ou sont sous la menace, mais aussi des entreprises du bâtiment et des compagnies d'aviation. Et la menace est tangible sur certaines entreprises de l'industrie automobile - y compris la plus grande, General Motors - ou de la chimie.

Ce n'est pas une banque ou une maison d'assurances qui sont en faillite. Pas même le seul système financier. C'est toute l'économie capitaliste.

La guerre annoncée contre la classe ouvrière

Cela fait bien des années que la classe capitaliste, pour faire face à la crise de son économie, a intensifié la guerre qu'elle mène en permanence contre la classe ouvrière. Elle a aggravé les conditions d'existence des classes laborieuses. L'amplification de la crise amènera inévitablement l'intensification de cette guerre contre le monde du travail, qui se manifestera inévitablement par encore plus de licenciements, des salaires encore plus bas, la généralisation de la pauvreté même dans les pays riches et la famine dans les pays pauvres.

Aussi, la seule question qui vaille pour la classe ouvrière ne tourne pas autour de supputations sur les conséquences de l'aggravation actuelle de la crise. « Ne te demande pas pour qui sonne le glas, il sonne toujours pour toi ».

La question immédiate pour la classe ouvrière et plus généralement pour les classes populaires est de savoir comment se défendre contre « les deux maux économiques fondamentaux dans lesquels se résume l'absurdité croissante du système capitaliste, à savoir le chômage et la cherté de la vie », pour reprendre l'expression de Trotsky.

Mais, bien au-delà, se pose la question de l'avenir. Devant l'ampleur de la crise, on entend déjà toute une partie des faiseurs d'opinion s'en prendre, non pas au capitalisme et à son fonctionnement, mais au « libéralisme », à la « déréglementation », à la « mondialisation », proposant de revenir à plus d'étatisme accompagné de plus de protectionnisme. Mais l'interventionnisme étatique, dont fait preuve en ce moment même le très conservateur et très libéral gouvernement Bush, montre que ce sera une autre façon de faire retomber sur les travailleurs le fardeau du sauvetage du capitalisme. Dans ce concert, se distinguent en particulier tous les courants réformistes, social-démocrates ou altermondialistes. Tous ces gens-là sont en train de théoriser et d'afficher comme programme alternatif en fait ce que Bush pratique aux États-Unis : offrir la béquille étatique pour sauver la mise aux capitaux privés défaillants.

Pour les travailleurs, il n'y a pas d'autre programme valable face à la crise de l'économie capitaliste qu'une politique visant à détruire ce système économique, c'est-à-dire la révolution sociale. Est-ce utopique ? Certainement pas plus que de croire qu'en restant dans le cadre du capitalisme, il est possible d'éviter la catastrophe !

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