LA RELANCE VA TUER LA REPRISE

La reprise est là. Modestement, lentement, mais il y a des signes qui ne trompent pas dans les pays émergents, mais aussi aux Etats-Unis, au Japon, en Allemagne,… La reprise a commencé, affirme le chef économiste du FMI. Admettons. Mais à deux réserves près qu’oublient la plupart des commentateurs. La première, c’est que la reprise ne doit rien aux plans de relance, ne serait-ce que pour des raisons de calendrier, et de logique économique. La seconde, c’est que les plans de relance pratiqués dans certains pays vont à terme tuer la reprise, en raison des déficits publics, de l’explosion de la dette et du risque de hausse des impôts et de l’inflation.

 

Une reprise timide et localisée

Il paraît que la reprise est là. Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, est affirmatif : « La reprise économique mondiale a commencé ». Certes, il ajoute aussitôt qu’on n’en est qu’au début, que « le retournement ne sera pas simple, car la crise a laissé de profondes cicatrices qui affecteront aussi bien l’offre que la demande au cours des prochaines années ». Il faut aussi pour lui que l’économie américaine, « à l’origine de la crise », soit « au centre du rebond ». Il n’est pas seul à faire cette analyse, que beaucoup d’experts partagent, mais n’a rien à voir avec les cocoricos de C. Lagarde. Notre éminente ministre non seulement voit la reprise, mais surtout elle voit la France en champion de la reprise mondiale.

Nous avions déjà souligné que la crise avait beaucoup moins touché les pays émergents, dont la croissance, même au plus fort de la tempête, était restée positive. Peut-on parler de crise quand la croissance chinoise est officiellement « tombée » à 7,1% cette année et que la simple addition des données économiques des 31 provinces du pays montre que le PIB chinois serait en réalité de 10% supérieur aux chiffres officiels. Bien sûr, il y a eu ralentissement, en Chine comme en Inde, mais les pays émergents ont soutenu la croissance mondiale et ont déjà largement surmonté ce ralentissement. Que ceux qui critiquent tant la mondialisation se demandent ce qui se serait passé sans le soutien de l’économie mondiale par ces pays ! Un protectionnisme généralisé comme en 1929 aurait entrainé dans les pays développés un effondrement économique bien supérieur à ce que nous avons observé.

 

Des résultats encourageants

Où en est la reprise dans les pays développés ? Sans doute l’effondrement des indicateurs conjoncturels au cours des trimestres précédents a-t-il laissé place à des chiffres plus rassurants. Aux Etats-Unis, qui restent, ce que certains oublient un peu vite, la première puissance économique mondiale, le recul du PIB avait été de 6,4% au premier trimestre 2009 (après – 5,4% au dernier trimestre 2008). Le résultat du second trimestre a rassuré : le recul du PIB n’est plus que de 1%. Certes, il est un peu tôt pour parler de reprise, et B. Obama joue de la méthode Coué en jugeant « très, très probable » que la croissance revienne dans la seconde moitié de l’année, mais nombreux sont ceux qui pensent comme lui et Greenspan y ajoute son grain de sel pour dire que la fin de la crise « était très proche ». Compte tenu de la myopie de ces commentateurs, on sera malgré tout très réservé sur les chances de reprise significative et durable de l’économie américaine à brève échéance.

D’autres résultats dans le monde sont nettement plus encourageants. Il y a quelques jours, on annonçait qu’à son tour le Japon sortait de la récession. La chute y avait été dramatique : le recul trimestriel du PIB, exprimé en rythme annuel, avait été de 13,7% fin 2008 et de 11,7% début 2009. Pour le second trimestre, on retrouve une évolution positive, avec +3,7%.,  En Europe même, des signes de reprise ont lieu ici ou là et c’est ainsi que, dès juin, on notait une progression des exportations allemandes qui sont un moteur essentiel de la croissance de ce pays : 7% de hausse des ventes à l’étranger en un seul mois.

 

La reprise ne doit rien aux plans de relance

Commentaire unanime des gouvernements : nos plans de relance ont sauvé la planète du désastre. La reprise est là, grâce à eux. C’est faux, sur le plan théorique comme sur le plan pratique. Les plans de relance ont été à la fois budgétaires et monétaires. Sur le plan monétaire, on a baissé pratiquement jusqu’à zéro les taux d’intérêt, qui étaient déjà très bas. Or c’était cette première baisse artificielle des taux qui était à l’origine de la crise, notamment par la politique monétaire keynésienne de la FED. Quant à la crise des subprimes, elle a été due à ce que l’on a prêté n’importe quoi à n’importe qui, et cela à de faux prix (faux taux d’intérêt).et avec la garantie de l’Etat. Comment peut-on résoudre la crise en accélérant la même politique qui a été à son origine ?

Les gouvernements vantent aussi les vertus de leur politique budgétaire. Des dépenses publiques en hausse fulgurante, des déficits et une dette publiques explosifs : voilà en effet à leurs yeux de quoi faire redémarrer l’économie. Mais relancer la consommation ne sert à rien, si l’offre ne peut pas suivre. D’ailleurs les consommateurs semblent assez imperméables à ces stimulations budgétaires, de même qu’ils ne réagissent pas à la baisse des taux ni aux facilités de crédit : par les temps qui courent, ils gardent leur argent. 

Mais quid de la relance par l’investissement ?  On en a beaucoup parlé, en oubliant de préciser qu’il s‘agissait de l’investissement public. En dépit des rabâchages keynésiens, jamais, pas plus en 1929 qu’à un autre moment, la hausse des investissements publics, les fameux « grands travaux », n’ont relancé l’économie. Il faut bien les financer, grâce au déficit budgétaire. Mais le déficit lui-même doit être financé : si c’est par création monétaire, cela ne relance que l’inflation, si c’est par l’épargne, cela provoque un effet d‘éviction, les dépenses publiques venant évincer les dépenses privées qui n’ont pas lieu faute de financement.

Venons-en enfin à quelques considérations pratiques, qui avaient été largement mises en évidence par Milton Friedman avec sa théorie des « lags » (décalages). Toute relance s’inscrit dans un calendrier, qui s’étale sur des mois entiers. Observons par exemple le « plan de relance français » : combien de  semaines nécessaires à la prise de conscience de la crise, puis à la préparation du plan de relance, puis à son adoption, par le gouvernement, puis le parlement et enfin au détail ultérieur des mesures par le gouvernement, les fameux 1000 projets pour la France ? Cela nous a mené début 2009. Qui peut croire que tout cela a réveillé l‘économie française dès le second trimestre ? Nous connaissons des projets pour lesquels les travaux commencent à peine et d’autres qui en sont encore au stade virtuel. La reprise s’est faite indépendamment des plans de relance.

 

Les déficits créés par la relance vont tuer la reprise

Il y a plus grave: ce sont ces plans de relance qui vont tuer la reprise et empêcher celle-ci de se transformer en vraie croissance. Le coût budgétaire des plans de relance a été pharamineux. On a vu des Etats jongler avec des centaines de milliards de dollars, parfois plus. Cela s’est traduit par d’énormes déficits publics, de l’ordre de 12% du PIB aux Etats-Unis ou en Angleterre, près de 9 ou 10% en France. Or 12% du PIB américain, c’est la moitié du budget US : autrement dit cette année quand l’Etat fédéral a 50 en recettes fiscales, il en dépense 100. Qui pourrait croire que la facture n’arrivera pas demain ? C’est la dette publique qui explose (dans bien des pays, on se rapprochera des 100% du PIB).

Mais comment financer ces déficits ou rembourser cette dette ? La première solution, remise au goût du jour après des années d’abandon, c’est la création monétaire. Des banques centrales  comme la Fed financent directement une partie des déficits. C‘est une technique très sure pour provoquer une inflation et l’inflation est l’ennemie de la vraie croissance. Tout le monde pleure sur la déflation actuelle ; dans deux ou trois ans, nous pleurerons sur l’inflation revenue et en premier lieu ceux qui ont prêté à l’Etat, remboursés en monnaie de singe.

La seconde solution, bien classique celle-là, c’est la hausse des impôts : on l’annonce déjà de tous côtés. C’est le meilleur moyen de briser net la croissance. C’est une des lois économiques les plus certaines. Et ceux qui ont déjà dépassé le maximum tolérable d’impôts seront encore plus touchés.

Qu’aurait-il fallu faire ? Ne pas augmenter les dépenses publiques, mais les diminuer. On peut encore essayer, mais le mal est déjà fait et chacun a observé qu’il était plus difficile de faire rentrer le dentifrice dans le tube que de l’en faire sortir. Voilà pourquoi, pour nous, nos « merveilleux plans de relance » seront sans doute demain les fossoyeurs de la reprise.

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